Comment l'environnement de travail peut-il s'emparer de l'Intelligence Artificielle pour se différencier ?

Les entreprises jouissent aujourd’hui d'un large éventail de dispositifs utilisant l’intelligence artificielle (IA), en commençant par ceux qui traitent les données, améliorant leur cohérence et réduisant les erreurs humaines. Des logiciels d'automatisation se chargent, par ailleurs, des tâches répétitives, tandis que des outils de prévision analysent les données pour dégager des tendances et formuler des prévisions financières et commerciales. L'IA est d'autant plus intégrée qu'elle permet une prise de décision éclairée.

Quant au contexte général, il est plus que porteur. Les collaborateurs ont davantage d’appétence pour la technologie, et ce, d’autant plus, que celle-ci a joué un rôle essentiel dans la récente transition vers le travail hybride. Parallèlement, on observe un changement démographique majeur. D'ici 2030, les millennials, nés avec le numérique et plus enclins à adopter les nouvelles technologies qu'à les redouter, représenteront 75 % des actifs.

Tous les voyants semblent donc au vert. Et pourtant Camille Tafani, Directrice Conseil Smart Workplace chez JLL France, constate que si l’IA commence à trouver sa place au sein des entreprises, elle demeure néanmoins encore discrète dans les espaces de travail.

Dans ce cadre, comment l’environnement de travail peut-il tirer parti de I’IA pour se singulariser ? Quelles sont les applications concrètes permettant de personnaliser l’expérience collaborateur ? Comment ces outils technologiques peuvent-ils favoriser la transition vers un bâtiment tertiaire plus durable ?

On le sait, l’expérience collaborateur représente aujourd’hui un levier de performance essentiel pour l’entreprise, qui se doit de continuer à attirer, fidéliser et engager les talents. Qu’il s’agisse d’accueillir un nouveau salarié, de le former ou de s’adapter à ses besoins au quotidien, l’IA s’impose comme un outil central de personnalisation et d’optimisation du parcours et de l’expérience collaborateur.

Plus concrètement, l’IA apporte ainsi des solutions pour aider le collaborateur à se familiariser avec son nouvel environnement de travail et ses différentes zones, dédiées, pour certaines, à la collaboration ou à la création, et pour d’autres, au travail individuel. Les outils basés sur l’IA pourront, par exemple, lui envoyer des alertes sur son téléphone afin de lui suggérer des espaces de travail adaptés en fonction de la nature de son activité. Tel un assistant personnel, l’IA est là pour faciliter le quotidien de chacun …et cela peut aller jusqu’à réserver automatiquement une place de parking pour un collaborateur qui a l’habitude de se rendre au travail à vélo, si les prévisions météo annoncent de l’orage.

L’expérience collaborateur augmentée signifie aussi que l’entreprise n’est plus un univers figé mais évolue en fonction des aspirations et usages de ses utilisateurs. Camille Tafani explique ainsi, que grâce aux données issues des objets connectés (IoT), tels les capteurs de présence, on peut identifier les salles de réunion les plus utilisées par les collaborateurs et comprendre pourquoi elles sont plus appréciées que les autres :  en raison d’une meilleure luminosité ou d’un mobilier plus confortable par exemple. En résulte une meilleure répartition des espaces, de leur utilité et de leur aménagement. Par ailleurs, les applications, en collectant les préférences des salariés et leurs habitudes de consommation, permettront demain de perfectionner d’autres services, comme une offre de restauration davantage en accord avec leurs goûts et envies. Alors que la notion de bien-être au travail est devenue centrale ces dernières années, les outils proposés favorisent la productivité tout en contribuant au confort et à la santé des collaborateurs.

Dans cette nouvelle dynamique, sachant que l’immobilier représente près de 40 % des émissions C02, il s’agit aussi d’utiliser l’IA afin de réduire l'empreinte écologique des bureaux. Anthony Morgado, Chef de projet Smart Building chez JLL France, confirme qu’il est primordial de monitorer la consommation d’énergie des bureaux, alors que les mètres carrés ne sont plus utilisés 100% du temps, et ainsi identifier les opportunités d’optimisation.  Selon la typologie du bâtiment, on estime ainsi à 20 à 40%, le potentiel d’économie d’énergies réalisable. Autres exemples intéressants, il est aujourd’hui envisageable de prévoir la fermeture d’un étage le vendredi, si on constate que la présence des collaborateurs est de 20% inférieure par rapport aux autres jours de la semaine, ou encore d’anticiper les pannes d’ascenseur grâce à la maintenance prédictive.

Pour une grande majorité d’entreprises, la réduction de l’empreinte écologique des bureaux est devenue une priorité, puisque d’après l’étude de JLL « Vers un immobilier bas carbone » (2021), 83% des entreprises constatent que l’immobilier durable est devenu un sujet de comité de direction et 56% d’entre elles affirment que la réduction de l’empreinte carbone fait désormais partie de leur stratégie immobilière.

Anthony Morgado pointe néanmoins une limite qui est celle du temps. Les outils d’IA utilisés dans l’immobilier tertiaire ont en effet besoin de 6 mois à 1 an d’apprentissage et de recueil de données fiables pour se révéler efficaces.

Pour autant, certains dirigeants demeurent sceptiques concernant le déploiement de l'IA dans leur organisation. Afin de rassurer les collaborateurs frileux, il est important de préciser que la majorité des solutions qui existent aujourd’hui en France nécessitent encore des actions humaines. Ce qui, au demeurant, constitue un élément positif, puisque les collaborateurs apprécient de garder une souplesse et une marge d’action dans les choix qu’ils effectuent.  Ainsi, à titre d’exemple, l'IA est très utile pour transformer des données complexes en informations intelligibles, mais la valeur de ces dernières dépend de la qualité des données. À ce stade, l'IA, pour être efficace, requiert toujours une interprétation humaine pour veiller à ce que les données soient exactes.

Quoiqu’il en soit, la formation continue est essentielle pour favoriser sa mise en œuvre mais aussi la bonne compréhension des bénéfices et des freins de cette technologie.

Pour se déployer réellement, l'IA devra être intégrée dans toujours plus de produits qui facilitent le travail quotidien. Nous allons bientôt la voir apparaître dans les opérations courantes, comme la création d'une présentation PowerPoint à partir d'un modèle et de données existantes. Côté vente, une prédiction personnalisée pourrait indiquer à un commercial sur quel secteur il devrait concentrer ses efforts, lui permettant ainsi de tisser un réseau plus performant et de gagner un temps précieux. Ou encore, dans un tout autre domaine, l’IA permettrait de réduire le gaspillage alimentaire grâce à la connaissance en amont des personnes présentes au bureau et de leurs habitudes de consommation.

On le voit, l'IA sur le lieu de travail n'en est encore qu'à ses balbutiements, mais d'ici dix ans, elle sera devenue un instrument incontournable pour les entreprises. Elle est en passe de se transformer en une ressource capable, au-delà de l'analyse des données et des tâches répétitives, d’améliorer considérablement l’expérience au bureau et d’être un réel pilier de l’immobilier durable tout en laissant les collaborateurs libres de créer, de prospecter et d'identifier de nouvelles opportunités.

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